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YMCA Press et les Editeurs réunis
C’est grâce à l'aide désintéressée de l’organisation missionnaire Young Men Christian Association, avec à sa tête John Mott (futur prix Nobel de la paix) que les éditions YMCA-Press ont pu voir le jour en 1921 à Prague, puis en 1925 à Paris au 10, boulevard Montparnasse, avec pour mission de publier les ouvrages des penseurs et des écrivains russes qui s’étaient retrouvés en Europe Occidentale à la suite de la Révolution : Vasilij Zenkovsky, Nicolas Troubetskoï, Konstantin Motchulski, Simon Frank, Ivan Iljin, Nicolas Lossky, père Serge Boulgakov, Lev Karsavin, Nicolas Arseniev, Gueorgy Fedotov et tant d’autres… Le philosophe Nicolas Berdiaev devint avec Paul Anderson, représentant de l’YMCA, et le philosophe Boris Vycheslavtsev le directeur des éditions YMCA-Press.
Dans les premières décennies de son existence la maison d’édition YMCA-Press accompagna l’extraordinaire essor de la théologie et de la pensée religieuse russe à Paris, héritière de la grande renaissance religieuse russe du début du 20e siècle. YMCA-Press entretient en particulier des liens étroits avec l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge également fondé à Paris en 1925 sous l’impulsion du métropolite Euloge et du père Serge Boulgakov dont un premier ouvrage Les deux saint apôtres Pierre et Jean en 1925, fruit des cours de droit canon donné par le père Serge à l’Institut scientifique russe de Prague en 1923-24. Les éditions YMCA-Press publient par la suite tous les autres ouvrages du père Serge, ainsi que les œuvres de très nombreux théologiens et penseurs religieux : Simon Frank, père Basile Zenkovsky, mère Marie Skobtsoff et en particulier les travaux des professeurs de l'Institut Saint Serge, Lev Karsavine, archimandrite Cyprien Kern, Georges Fedotov, Vladimir Iljin, père Georges Florovsky.
Les éditions YMCA-Press accueillent également les œuvres d’écrivains russes exilés tels Marc Aldanov, Nina Berberova, Ivan Bounine, Ivan Chemliov, Vladimir Khodassevitch, Dmitri Merejkovsky, Alexis Remizov, Mikhaïl Ossorguine, Boris Zaïtsev. A cela il faut aussi ajouter de nombreux manuels scolaires et des manuels techniques mais aussi des livres pour enfants. Entre 1925 et 1940, YMCA-Press a ainsi publié 250 titres. De nombreux artistes, comme Rostislav Doboujinsji ou Dmitri Steletski, auteur de l’iconostase et des fresques de l’Eglise Saint Serge, illustrent les couvertures des livres.
Durant la guerre les éditions YMCA-Press, en coordination avec les Alliés, publient de la littérature russe classique (Gogol, Dostoïevski, Lermontov, Tolstoï) à destination des prisonniers de guerre. De nombreux émigrés russes prendront part à la Résistance française, comme Boris Vildé, membre du réseau du Musée des sciences de l'Homme. Mère Marie Skobtsoff, après avoir caché de nombreux juifs au centre orthodoxe de la rue de Lourmel et sauvé trois enfants du Vel'd'Hiv, sera arrêtée avec son fils par la Gestapo. Elle mourut au camp de Ravensbrück, après avoir pris la place d'une femme juive destinée à la chambre à gaz. Reconnue comme « juste parmi les nations », elle sera canonisée par l’Eglise orthodoxe en 2004.
Nikita Struve parle de la création de la maison d'édition YMCA press et de son réseau de distribution les éditeurs réunis
Une nouvelle page dans l’histoire de la maison d’édition s’ouvre au cours des années 1960, lorsqu’YMCA-Press commence à publier les auteurs interdits ou persécutés en Union soviétique, dont les œuvres circulent sous forme de samizdat (diffusion clandestine en URSS), puis de tamizdat (publication à l’étranger). Au cours des années de guerre froide, YMCA-Press publie les œuvres d’Anna Akhmatova, Varlam Chalamov, Nadejda Mandelstam, Iouri Dombrovsky, Platonov (Tchevengour), Lydia Tchoukovskaïa. Cœur de Chien, de Mikhaïl Boulgakov paraît pour la première fois à Paris, aux éditions YMCA-press en 1969, avec une couverture réalisée par l’artiste Youri Annenkov, artiste-peintre émigré en 1924 à Paris, qui réalisera beaucoup d'autres couvertures pour la maison d'édition. Le célèbre chef-d’œuvre de Mikhaïl Boulgakov Maître et Marguerite est également publié par YMCA-Press en 1967, dans sa version intégrale, sans les coupures imposées par la censure soviétique, 20 ans avant la première version intégrale publiée en Union soviétique.
En 1971, Alexandre Soljenitsyne, alors derrière le rideau de fer, confie à la maison d’édition YMCA-Press l’édition de son Août 14, le premier volet de son œuvre historique monumentale La Roue Rouge. Le manuscrit est acheminé en grand secret à l’Ouest, grâce une « invisible », Assia Dourova, employée à l’Ambassade de France à Moscou. Satisfait par cette première collaboration, Soljénitsyne décide alors de confier à la maison d’édition YMCA-Press, la publication Archipel du Goulag, lorsque la découverte d’un exemplaire manuscrit de cette œuvre contraint Soljénitsyne à la révéler au grand jour. Dans le plus grand secret, dans l'imprimerie Bérezniak, au cœur de Paris, Léonid Lifar compose le premier tome de l'ouvrage, dont la parution en janvier 1974 fait l’effet d’une bombe. Les 50000 exemplaires du premier tirage sont rapidement épuisés, tandis que les traducteurs français sont à pied d'œuvre : l’édition française paraîtra aux éditions du Seuil la même année au mois de mai. La collaboration entre les éditions YMCA-Press se poursuivra jusqu’au retour de l’écrivain dans son pays en 1994.
Dans les années 90, alors que le rideau de fer tombe, l'activité éditoriale d'YMCA-Press ralentit. S'ouvre alors une période de transmission à la Russie de l'héritage culturel de l'émigration russe. En 1990, une première exposition des édition YMCA-Press a lieu à Moscou, à la Bibliothèque de la littérature étrangère, dont le directrice Ekaterina Guenieva est une disciple du père Alexandre Men. Pour la première fois, les habitants de Moscou peuvent prendre ouvertement connaissance avec l'histoire de la maison d'édition et même acquérir les livres, acheminés depuis Paris. Puis ce sera le tour de Kiev et Saint-Pétersbourg. Grâce à l’engagement et au dynamisme du jeune vice-directeur de la Bibliothèque de la littérature étrangère Viktor Moskvine, YMCA-Press parvient à s’ancrer en Russie post-soviétique avec la fondation des éditions La Voie russe (Russki put’) et de la Maison de l’émigration russe (Dom russkogo zarubejia), devenue avec les années un centre majeur pour l’étude de l’héritage culturel de l’émigration russe. En mai 2019, y est inauguré un Musée de l'émigration russe, qui présente l'histoire de l'émigration russe à travers objets et archives, dans une mise en scène moderne utilisant les technologies les plus récentes (écrans tactiles…)
A Paris, la maison d'édition Ymca-Press et la librairie les Editeurs réunis, dans les locaux de laquelle fonctionne le Centre culturel russe Alexandre Soljénitsyne entend désormais jouer un rôle de passerelle entre les cultures russe et française et promouvoir la culture russe dans un esprit de fidélité à l’héritage de l’émigration.