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Léon Zander
Léon Zander
© INA (capture d'écran émission orthodoxie du 19.06.1977
Léon Alexandrovitch Zander est né le 19 février 1893 à Saint-Pétersbourg. Son père était médecin attaché à la cour auprès de la famille du grand-duc Michel, fils de Nicolas I. Léon accompagnait souvent avec toute sa famille le grand-duc dans ses voyages, c’est pourquoi il reçut un enseignement à domicile avec des précepteurs. Lors de ses fréquents séjours à l’étranger, dans le Sud de la France, en Allemagne et en Suisse, il s’est familiarisé avec plusieurs langues étrangères. En 1910 il est entré au lycée Alexandre de Saint-Pétersbourg, dont il est sorti brillamment en 1913 avec une médaille d’or. Parallèlement, il a passé les examens de la faculté de droit de l’université de Saint-Pétersbourg et s’est alors rendu à Heidelberg pour étudier la philosophie qui l’avait intéressé dès ses années de faculté. Il dut rentrer en toute hâte en Russie à cause du déclenchement de la guerre.
En Russie il fut attaché au ministère de l’Instruction Publique, tout en participant à la création du département de la Croix Rouge qui se consacrait à l’aide aux prisonniers russes.
En 1915, Léon Zander fut rattaché en tant que traducteur à l’état-major commandant l’Artillerie et partit au Quartier Général du commandant en chef des armées et fut témoin des événements qui bouleversèrent le cours de l’histoire, il assista aux adieux du Tsar à son Etat-major. Il décrira tous ces moments plus tard dans ses souvenirs qui seront publiés par la « Pensée Russe » à Paris en 1975, après sa mort.
Après la démobilisation, Léon Zander travailla dans une bibliothèque publique à Petrograd dans le département de philosophie avec W. Weidlé et S. Bezobrazoff, qui seront ses collègues à l’Institut de Théologie Saint-Serge de Paris. Il fit la connaissance du professeur A. Kartachov, qui était à ce moment-là une personnalité importante de la sphère religieuse. En hiver 1917 on lui proposa une chaire de philosophie à l’Université de Petrograd qui déménagea très peu de temps après à Perm et Léon Zander quitta Pétrograd à jamais. De Perm, l’université déménagea à Vladivostok où Léon Zander restera jusqu’en 1922. Zander dirige un cours de philosophie et de logique, s’intéresse à V. Soloviev, K. Léontiev, S. Kierkegaard et écrit sa première étude importante « K. Léontiev et le progrès ».
En 1922 eut lieu à Pékin le congrès mondial de la jeunesse chrétienne sous la présidence de John Mott. Les participants étaient surtout des protestants, mais il y avait aussi des représentants de pays orthodoxes : de Bulgarie, de Roumanie et quelques Russes. Zander était délégué de l’université de Vladivostok. Il y fit la connaissance de L. Liperovsky et de A. Nikitine, anciens membres du cercle chrétien de Moscou. Lors d’une conversation privée avec John Mott, il lui fit part de son idée de créer une Ecole Supérieure de théologie pour les Russes de l’émigration. Cette idée sera concrétisée en 1925 lors de la création de l’Institut de Théologie Orthodoxe à Paris.
Après le coup d’état des Bolcheviques à Vladivostok à l’automne 1922, Léon Zander, voyant que l’enseignement de la philosophie dans une perspective chrétienne qui lui était proche s’avérait impossible, décida de quitter la Russie, passant tout d’abord par la Chine, puis s’établissant à Prague, où s’étaient rassemblés de nombreux intellectuels russes. A Prague, il fut nommé responsable de la bibliothèque personnelle du président Masaryk et s’investit dans la création et les tâches de l’Action Chrétienne des Etudiants Russes (ACER). Il fit la connaissance de V. Zenkovsky et du père Serge Boulgakov, prit part au congrès fondateur de l’ACER à Pcherov. La rencontre avec le père Serge eut une importance capitale. Il en devint le fils spirituel et adepte de sa pensée religieuse et philosophique. En 1923 il vint à Paris pour tenir des conférences de philosophie ainsi que sur son écrivain préféré F. Dostoievsky. A Paris, il rencontra par hasard, aux vigiles de la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky, rue Daru, son amie de jeunesse Valentina Kalachnikoff, qu’il épousera en 1924. Sa femme était aussi membre de l’ACER, très cultivée, fille de A. Kalachnikoff qui était devenu prêtre en 1920 à Constantinople. Léon Zander et sa femme, très différents de caractère (lui, vif, passionné, brillant, elle – réservée, presque renfermée, avec une vie intérieure de prières) formaient un tout, se complétant mutuellement. Après un bref retour à Prague, Léon Zander et sa femme s’installèrent à Paris, où ils participèrent activement à l’organisation de l’ACER.
En 1925, lorsque l’Institut de Théologie fut créé à Paris, Léon Zander fut invité à enseigner l’introduction à la philosophie et l’histoire de la philosophie antique , ainsi que la logique et la pédagogie.
En 1929, le couple Zander partit pour trois ans dans les pays baltes, où ils développèrent une activité très importante dans l’organisation de la vie religieuse avec la jeunesse. En 1933, après leur retour à Paris, la naissance de leur fille leur fit vivre une difficile épreuve : leur fille était trisomique, une maladie incurable. Ils l’entourèrent de tout leur amour, n’étant jamais honteux de sa maladie.
En 1935, la famille s’établit dans une banlieue de Paris, à Boulogne- Billancourt où ils restèrent toute leur vie. Cet appartement chaleureux devint un foyer vivant pour beaucoup. Des cercles religieux s’y rassemblaient, russes et non orthodoxes s’y retrouvaient. Qui ne pouvait-on pas y rencontrer ? Le père Serge Boulgakov, l’évêque Cassien (Bezobrazoff), le père Basile Zenkovsky, Wladimir Weidlé et mère Marie (Skobtsoff), l’iconographe sœur Jeanne (Reitlinger) et beaucoup, beaucoup d’autres.
A cette époque, Léon Zander participait souvent à des congrès œcuméniques, il avait beaucoup d’amis partout. Il fut nommé secrétaire financier de l’Institut de Théologie, et était chargé de collecter des fonds pour assurer la vie matérielle de l’Institut. Pour cela, il organisa des tournées du chœur de l’Institut Saint-Serge sous la direction d'Ivan Kouzmitch Denissov, ancien artiste de l’opéra impérial de Saint-Petersbourg. Ils parcoururent la Suisse, l’Angleterre, la Hollande, la Suède, l’Ecosse, le Danemark et la Norvège. Ces tournées s’avérèrent être une véritable mission auprès des non-orthodoxes. Léon Zander faisait précéder chaque concert d’une explication des offices orthodoxes. Cela lui permit de faire connaître l’Orthodoxie à beaucoup d’Occidentaux, surtout protestants. Tout d’abord circonspect, le monde protestant s’ouvrit à l’Orthodoxie et par la suite apportera un soutien financier non négligeable à l’Institut de Théologie. Il a décrit ces tournées dans le livre « Le chant du Seigneur en terre étrangère », une publication posthume.
« À ces heures de rencontres avec la chrétienté occidentale, nous cessions de nous sentir exilés, car nous étions appelées à témoigner de la gloire et de la beauté de notre Orthodoxie sous les formes de sa piété et de sa beauté divine » – écrit L.Zander dans l’introduction à son livre.- « Alors, nous ne nous ressentions plus comme des débris de la Russie passée, des épigones de temps révolus, mais comme des représentants vivants et agissants de la vérité éternelle de l’Eglise. <…> Notre mission n’avait pas seulement une valeur universelle, mais aussi une valeur russe qui nous était chère.<…> Par là-même nous étions les témoins de la Russie éternelle, qui ne peut pas mourir, car elle porte en elle l’amour du Christ. Les chrétiens occidentaux le sentaient et nous accueillaient comme des porteurs de la force vive et créatrice de l’Eglise. »
Par là-même, comme se souvient le protopresbytre Alexis Kniazeff, ces « tournées de collecte financière » se trouvèrent être un des chapitres les plus brillants, non seulement de l’histoire de l’Institut, mais aussi de l’histoire de l’Orthodoxie en Occident.
Au début de la guerre, Léon Zander fut arrêté par les Allemands et a passé quelques mois dans le camp de Compiègne. Après avoir été libéré, il écrivit son œuvre monumentale « Dieu et le monde », où il systématisait la pensée religieuse du père Serge Boulgakov. Cette œuvre est précieuse par le fait que, pendant sa rédaction, Léon Zander consultait le père Serge et tout ce qu’il a écrit reçut son approbation. Zander acheva son livre après la mort du père Serge. Il a également écrit un livre sur Dostoïevski, son écrivain préféré, qu’il intitulera « Le mystère du Bien » (paru sous le titre : « Le problème du Bien »).
En 1941, remplaçant le professeur N. Afanassiev, absent, Léon Zander se chargea du cours de droit canonique, et après la mort du père Serge Boulgakov en juillet 1944, fut chatgé du cours de théologie comparée. La mort du père Serge fut ressentie par les Zander comme une perte personnelle immense. Comme en ces temps de guerre toutes les liaisons avec Paris étaient rompues, Léon Zander et sa femme parcoururent 30 km à pied de Sainte-Geneviève-des-Bois à l’église Saint-Serge, où avaient lieu les funérailles du père Serge.
Après la guerre, l’activité œcuménique de Léon Zander s’élargit. Il fut invité partout pour tenir des conférences sur l’Orthodoxie, ses offices, le culte de la Mère de Dieu et des saints – une question particulièrement difficile pour les cercles protestants. Il tint des conférences sur la philosophie religieuse russe, ses rapports avec l’Orthodoxie et prit part aux travaux de nombreux congrès œcuméniques. Avant la guerre, il avait participé aux congrès mondiaux de Lausanne (1927), Oxford, Édimbourg (1937) et Amsterdam (1939,1948). Après la guerre, il continua de prendre part aux travaux de plusieurs congrès à l’étranger et en France. Il participa régulièrement aux congrès de l’ACER et fut jusqu’en 1952 le secrétaire général de l’Association. Il consacra de nombreux articles à l’activité de l’ACER. Il fut dès la création de l’ACER l’un des conférenciers préférés aux congrès annuels de la jeunesse.
Le problème de l’œcuménisme lui a toujours tenu à cœur et il en connaissait toutes les difficultés internes. Son livre « Vision and Action », paru en 1952, est consacré au problème de l’œcuménisme. Ce livre fut traduit en 1959 en allemand avec le titre « Einheit ohne Vereinigung » (« l’Union sans unification »). Ce livre n’a pas été édité en russe. Il existe en tant que manuscrit sous le nom de « Problèmes du réalisme œcuménique ». Léon Zander reçut pour son action dans le domaine œcuménique le titre de docteur honoris causa de l’université de Marburg. En 1964, Léon Zander fut invité par l’université de Berlin pour y assurer un cours de six semaines sur l’Orthodoxie. A la fin de de cette année, après une série de conférences à l’université de Heidelberg, il mourut d’un arrêt cardiaque dans un train sur le chemin de Paris.
Ses funérailles eurent lieu en l’église Saint-Serge et rassemblèrent de nombreux amis russes et non-russes. Tous aimaient sa bienveillance, sa gaieté, son ouverture d’esprit; il laissa le souvenir d’un homme de bonté œuvrant dans les champs du Seigneur.
Le « Vestnik » de l’ACER n° 75-76 de 1965 est consacré à la mémoire du professeur Léon Zander. On y trouve des articles du protopresbytre Alexis Kniazeff, de Wladimir Weidlé, Vladimir Ilyine, Jean Morozoff, du protopresbytre Jean Meyendorff et de beaucoup d’autres.