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Pierre Spassky
Pierre Spassky
© Photo famille Spassky
Introduction
« La communauté orthodoxe russe de Paris, qui dans la cathédrale Alexandre Nevsky préserve et soutient la musique chorale de rite oriental, a fait entendre la voix passionnée et triste de l'Église russe silencieuse et de millions de croyants de par-delà le rideau de fer. Il y a quelque chose de mystique dans le chant choral russe, qui nous oblige à comparer ce groupe de chanteurs ... avec les fresques de Fra Angelico ». C’est ainsi qu’en 1962, le journal " L’Avvenire d'Italia " caractérisa le premier concert en Italie du chœur de la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky sous la direction de Pierre Vassilievitch Spassky.
Les chants russes, écrivait la « Fiere Letteraria » romaine, « expriment joie, tendresse, douceur, et la foi en la promesse du Sauveur, qui regarde avec un sourire doux depuis le silence des icônes dorées... Pendant l'exécution, le maestro P. Spassky ne dirigeait les chanteurs que par la puissance de ses mains : blanches, fines, nerveuses, tantôt dures et âpres, tantôt apaisantes... Le chant du chœur, l'ampleur du son et la diffusion dans l'air des voix basses, hautes, douces et profondes, qui à la fin se fondent en un tout, persistant et précis... Dans cette supplication, dans cette douleur et cette plainte, résonne l'âme de ceux qui sont "sur une terre étrangère"... "
Cette prestation du chœur de la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky eu lieu à l'automne 1962 dans le cadre du grand festival musical de chant religieux organisé en Italie dans le contexte de "l'Année œcuménique". Le concert eu lieu dans la célèbre église du XVe siècle de Malatestiano, où se trouve la célèbre fresque de Giotto "La Crucifixion". Le concert a réuni des chœurs catholiques italiens et protestants autrichiens, qui comprenaient plus de 100 chanteurs, et un chœur russe de 23 personnes, dirigé depuis nombreuses années par Pierre Vassilievitch Spassky.
Biographie
Pierre Vassilievitch Spassky est né en 1896 sur le Don, au village de Karaichev de la stanitsa Gundorovskaya. Il était le fils aîné de la famille d'un diacre et, dès son plus jeune âge, il reçut une éducation religieuse. De son père il acquit l’amour pour le chant et la célébration liturgique. Pierre Vassilievitch a étudié à l'école théologique de Novotcherkassk, puis au séminaire théologique, où l'un de ses professeurs était le compositeur religieux l'archimandrite Michel Erkhan. A 16 ans, Pierre Spassky dirigeait déjà le chœur du kliros gauche et organisait des chœurs dans son village natal. Eclata alors la Première Guerre mondiale, puis la guerre civile. Voici ses états de service : 16e « Sotnia », bataillon d'étudiants, 2e régiment de mitrailleuses du Don, écoles militaires du Don et Atamanskoe, commotions graves, croix de Saint-Georges.
Après l'exode, Pierre Spassky s'est d'abord rendu sur l'île de Lemnos, puis en Bulgarie, où il créa une chorale régimentaire. Pendant ses études à la Faculté de physique et de mathématiques de l'Université de Sofia, il fut élu président du conseil de la communauté étudiante cosaque. Puis en 1924 P.V. Spassky reçut une bourse à l'Université catholique de Milan, où il suivit un cursus juridique de 3 ans. Il y a participé à la création d'une paroisse russe orthodoxe et là, au centre mondial du bel canto, il étudia le chant. Avec des étudiants, Pierre Spassky se rendit à Rome et assista à une réception par le pape Pie XI, qui l’accueilli avec gentillesse et déclara qu'il priait quotidiennement pour le peuple russe souffrant. En 1927 P.V. Spassky fut élu délégué de la paroisse de Milan à l’assemblée diocésaine de Paris et s'installa bientôt définitivement dans la capitale française, où il fut nommé chef de chœur et lecteur principal de l'église Saint-Nicolas de Boulogne-Billancourt.
C'est à Paris que s'épanouissent ses activités d’église et de chant choral, auxquelles il consacra le reste de sa vie. L'église Saint-Nicolas de Billancourt fut construite en 1927 grâce aux dons des ouvriers russes de l'usine Renault qui habitaient ce faubourg. L'archiprêtre Iakov Ktitarev fut nommé premier recteur de la paroisse. Grace à lui, un travail éducatif actif fut effectué dans la paroisse, des concerts de musique sacrée ont été organisés ainsi que des cours de chant religieux et une école pour enfants. En plus de la chorale de sa paroisse, P.V. Spassky dirigea la chorale d'enfants de l'école pour enfants de la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky de la rue Daru et participa à de nombreux événements culturels, musicaux et éducatifs dans le Paris russe.
En 1931, Pierre Vassilievitch épousa Taïssia Vassilievna, née Petrova. Leur mariage fut célébré par le métropolite Euloge qui était leur père spirituel. Les époux Spassky œuvrèrent ensemble dans les écoles paroissiales de Boulogne et de la Cathédrale, organisant des concerts, les arbres de Noël pour enfants, des soirées caritatives avec la participation d'artistes célèbres. P. Spassky était professeur principal et enseignait le catéchisme au lycée russe et à l'école paroissiale de la Cathédrale. Excellent conteur, il enchantait ses élèves en racontant l'histoire de la Russie, les coutumes russes et l'antiquité russe. L'année du centenaire de la mort de Pouchkine, la "Journée Pouchkine" fut organisée à la paroisse Saint-Nicolas, journée à laquelle participèrent le prof. N. Kuhlmann, les écrivains B. Zaitsev et I. Shmelev et d’autres personnalités. P.V. Spassky a également participé à toutes les "Journées de la culture russe" pour les jeunes, organisées sous la présidence d'E. Kovalevsky, ainsi qu’aux « Journées de la Russie orthodoxe » à l’Institut Saint-Serge sous le patronage du métropolite Euloge.
En 1936, le père Alexandre Tchekan fut nommé recteur de l'église de Boulogne. C’est avec le P. Alexandre que plus tard Spassky allait servir à la cathédrale Saint-Alexandre Nevsky. Dans les temps difficiles de la guerre, en 1940, lorsque beaucoup de personnes furent évacuées de Paris, le métropolite Euloge réunit les représentants du clergé et des laïcs et mis en place l'organisation de l'aide aux affamés dans les paroisses russes. Parmi les personnes présentes se trouvaient l’évêque Jean (Leontchoukoff), l’archiprêtre Nicolas Sakharov, l’archiprêtre Iakov Ktitarev, l’archimandrite Nikon (de Grève), l’higoumène Méthode (Kulhmann), le hiéromoine Savva (Shymkevitch), le père Dmitry Klépinine, mère Marie, les marguilliers et les délégués de différentes paroisses. P. Spassky rendait compte de la collecte de fonds et de l'organisation des repas dans sa paroisse.
En 1943, l'église Saint-Nicolas de Boulogne fut détruite par un bombardement, et la paroisse dût longtemps se retrouver dans un appartement privé, puis provisoirement – dans une église protestante. En 1947, Pierre Vassilievitch Spassky fut nommé lecteur principal à la cathédrale Saint-Alexandre Nevsky et devint chef de chœur de la crypte. En 1949, il devint chef du chœur de la cathédrale.
Le choeur Spassky à la cathédrale russe
Le travail de Pierre Vassilievitch Spassky à la cathédrale
Le travail n'était pas facile. Il fallait remettre le chœur au plus haut niveau, unir les anciens et les nouveaux chanteurs, préserver les traditions. Le protodiacre Nicolas Tikhomirov aida Spassky dans ce domaine, et sa propre formation spirituelle lui fut également d’un grand secours.
Il y avait chez P.V. Spassky un nombre incroyable de livres. Il lisait beaucoup et avait une mémoire incroyable. Il avait étudié en détail les religions et les philosophies chrétiennes et non chrétiennes, ce qui lui permit d'être un témoin expérimenté de l'orthodoxie, le ministère de chantre d'église ayant un caractère missionnaire très élevé. Ce côté de la personnalité de Pierre Spassky influença incontestablement son travail dans le chant religieux. Il choisissait soigneusement le répertoire, était attentif aux demandes des paroissiens, essayant de ne pas aller à l'encontre de leur esprit de prière. Il attachait une importance particulière aux paroles de la prière, essayant de s'assurer que l'ambiance musicale obtenue par le chant était en plein accord avec le texte. Avec une égale attention, il accomplissait de nombreux offices : baptêmes, mariages, moleben, services funéraires. Après ces offices, il parlait souvent avec les gens pour se réjouir avec eux ou les consoler.
P.V. Spassky dirigea le Chœur de la cathédrale russe de Paris pendant 20 ans. Le répertoire du chœur était très étendu et en raison des changements inévitables dans la composition du chœur (le chœur ayant été complètement renouvelé plus de trois fois) il devait être réappris ou modifié.
Chants de Pâques interprétés par le choeur Spassky en 1966
Les disques et les émissions de radio
En 1953, la société Philips proposa au chef de chœur d'enregistrer un disque 33 tours avec des chants d'église russes. Spassky décida - et garda ensuite ce principe pour tous ses enregistrements ultérieurs - que le disque devrait préserver l'ordre et le sens liturgique, et ne pas être une simple collection de chants magnifiques, mais sans rapport entre eux. Il choisit les chants de la liturgie eucharistique dans l'ordre dans lequel ils sont exécutés. Le protodiacre Nicolas Tikhomirov participa à l'enregistrement, émerveillant l’auditoire avec sa magnifique voix, en particulier lors de la Grande Litanie et du « Mnogaïa leta ». Le protodiacre N. Tikhomirov avait alors 72 ans, et ce disque est resté un souvenir musical de l'extraordinaire protodiacre hautement cultivé qui avait orné les services divins de la cathédrale pendant plus de quarante ans.
Le disque de la Divine Liturgie est paru en 1954 et reçut la plus haute distinction de l’Académie Charles Cros. La presse française signalait « les voix inhabituellement colorées de la Russie éternelle » et « la stricte discipline du chœur ». La presse russe, quant à elle, soulignait que l'attribution de ce prix devait être considérée comme une grande victoire pour la culture russe et la musique religieuse russe, qui attire de plus en plus l'attention des cercles culturels d'Europe occidentale.
Deux ans plus tard, la même société sort un nouveau disque, que P.V. consacré aux hymnes du Grand Carême et de la Semaine Sainte. Ce disque s’achevait par le chant "Le Christ est ressuscité des morts »... Les deux disques furent ensuite combinés en un seul album, qui a également reçu la plus haute distinction. Ces disques furent emmurés dans les murs de la Comédie-Française. Cette cérémonie solennelle a ensuite été décrite par le journal «La Pensée russe ».
Dans les années 60, la société américaine "Monitor" a enregistré cinq autres disques, dont des chants de la liturgie et des vigiles, des chants de Pâques et de Noël, des chants à la Mère de Dieu et un office des morts, auxquels il faut ajouter un disque de chants de Noël (koliadki). L'enregistrement a été réalisé avec la participation du protodiacre Michel Storojenko (futur évêque Michel) et avec une nouvelle composition du chœur.
Les concerts
En plus des enregistrements de disques et d’émissions radio, le chœur de la cathédrale a participé à de nombreux concerts. Le développement de l'œcuménisme et de l'intérêt pour l'Orthodoxie s'est reflété dans l'intérêt pour le chant orthodoxe. Le chœur fut invité dans des églises catholiques et protestantes et chanta dans les meilleures salles de Paris. En 1962, comme nous l'avons noté plus haut, "il a gagné le cœur des Italiens".
Une autre prestation significative du chœur sous la direction de P.V. Spassky eu lieu en 1966 à l'occasion de la célébration du Millénaire de la fondation de l’abbaye du Mont Saint Michel. Le chœur fut invité à donner deux concerts avec des programmes différents. Les deux soirs l'église abbatiale au sommet du mont était bondée. Le programme de ce concert comprenait environ 40 hymnes différentes, donnant ainsi un aperçu de l'ensemble du cycle liturgique orthodoxe. Le journal Le Figaro écrivait : « Le public se souviendra particulièrement des deux soirées inoubliables, où le chœur de la cathédrale orthodoxe russe de Paris sous la direction de Pierre Spassky a transporté le public à travers le chant de la Sainte Russie jusqu'aux portes du paradis ».
Peu de temps avant, en 1965, dans la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky, P.V. Spassky fut fêté à l'occasion du 50e anniversaire de son activité de chef de chœur. La Divine Liturgie et le service d'action de grâce ont été célébrés par l'archevêque Georges (Tarassov), le clergé de la cathédrale ainsi que le protodiacre Vassily Degtiarev. Deux chœurs ont chanté : le chœur épiscopal, sous la direction du héros du jour, qui a été remplacé lors du moleben par E.I. Evetz, et le chœur finlandais de la cathédrale de Joensuu, venu spécialement pour l’occasion. Le héros du jour reçut une icône de l'Ascension de la part de l'Union Cosaque, des chevaliers de Saint-Georges et des Atamantsy, ainsi qu’une icône des Saints Serge et Germain de Valaam, de la part du chœur finlandais. Le P. Pierre Struve lut une longue série de lettres et de télégrammes reçus pour l'occasion de divers coins du monde, de membre du clergé, d’organisations, de chorales, de chefs de chœur, d’artistes, de compositeurs et de particuliers.
Le choeur Spassky
Le rappel à Dieu
En 1968 P.V. Spassky fut atteint d’une maladie cardiaque, mais cacha celle-ci et continua de servir avec zèle dans le kliros. En avril, le Mercredi Saint, après le service divin, au cours duquel il a chanté pour la dernière fois le chant « Je vois Ton palais, ô mon Sauveur », il se sentit mal, fut emmené dans une clinique et un mois plus tard, dans une maison de convalescence près de la ville de Dreux, il décéda le 30 mai, jour de la fête de l'Ascension du Christ.
En raison des événements bien connus de "Mai 68", l'entrée à Paris était interdite et il n'y avait pas de transport. Les funérailles ont été célébrées en l'église du cimetière de la Dormition à Sainte-Geneviève-des-Bois et l'inhumation au cimetière russe adjacent. Le service funèbre a été présidé par l’évêque Méthode (Kuhlmann) entouré des archiprêtres Alexandre Tchekan, Alexandre Erguine, Nicolas Obolensky et du protodiacre Michel Storojenko. Chantait une chorale de 26 chanteurs sous la direction d’Eugène Evetz. Avant les funérailles, le père Tchekan prononça un hommage au défunt devant de nombreux fidèles qui, en ces jours difficiles, ayant utilisé toutes sortes de moyens de transport, étaient venus accompagner le lecteur nouvellement décédé Pierre par leurs prières et leurs chants. Mémoire éternelle!