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Paroisse Notre-Dame-Joie-des-affligés, Brescia (Italie)
L’histoire de notre paroisse est récente, elle coïncide, en fait, avec l’histoire de mon sacerdoce. Ordonné prêtre en septembre de 1999 pour l’église de San Remo et écarté par son conseil paroissial quelques semaines plus tard, je me suis retrouvé seul dans ma ville de Brescia, où j’enseignais la langue et la culture russe à l’Université Catholique, sans église, sans communauté, sans calice ni vêtements sacerdotaux. Je n’avais en ma possession que l’antimension de San Remo. Monseigneur Serge (Konovaloff), notre Archevêque à l’époque, m’a donné sa bénédiction pour que je célèbre où je veux avec les ustensiles que je pourrais me procurer, l’Archevêché n'ayant pas d’autre paroisse libre pour moi. Très vite, grâce à quelques connaissances, j’ai trouvé une église dont le recteur était disposé à se monter hospitalier, car il célébrait dans une autre. J’ai affiché des annonces sur les arbres dans le boulevard fréquenté par les Slaves et les Moldaves (Brescia était la première ville d’Italie pour le taux d’émigrés), et c’est ainsi que notre communauté commença son existence au rythme d’une célébration toutes les deux semaines, puis trois par mois, et enfin chaque dimanche. Pour ce qui est des objets et ustensiles nécessaires aux célébrations, j’ai réussi à me les procurer grâce à des dons ou par mes propres efforts.
Quelques années passèrent ainsi, mais l’église qui nous avait offert l’hospitalité avait été bombardée pendant la guerre et avait besoin de réparations radicales, si bien que nous nous sommes retrouvés à la rue. A partir de 2007, nous avons commencé à voyager d’une église catholique à l’autre, trouvant parfois refuge dans des sous-sols ou des greniers. Le décret du pape Benoit XVI interdisant de célébrer sur le même autel la messe catholique et la liturgie orthodoxe ne nous a pas rendu la vie plus facile. En 2010, nous avons trouvé une petite église, mais le plâtre qui tombait du plafond nous a renvoyés de nouveau dans le vide. C’est seulement à partir de décembre 2013 que nous avons obtenu à titre permanent une petite église du XVII siècle, mise gratuitement à notre disposition par des religieuses installées dans un couvent voisin. Nous avons signé avec elles un contrat en bonne et due forme, que nous renouvelons tous les quatre ans, et nous avons pu construire une iconostase.
En janvier 2019, le père Léonard/Lazare Lenzi a été ordonné à la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky à Paris pour notre paroisse, qui l’a accueilli avec beaucoup de sympathie, si bien que nous avons maintenant deux prêtres. J’ai ainsi désormais la possibilité de respirer un peu : auparavant je ne pouvais m’absenter qu’un dimanche par an. La présence italienne dans notre communauté devient de plus en plus visible et régulière. En effet, hormis un petit nombre de Russes et de Moldaves, la majorité écrasante de nos paroissiens viennent d’Ukraine et conservent la citoyenneté ukrainienne. Ils sont de fait « de passage » en Italie, où ils accomplissent les tâches les plus humbles (la plupart sont des femmes de ménage). Mais cette situation peut durer plusieurs d’années.
Les troubles ecclésiaux qu’a connus notre diocèse ont frappé de plein fouet la paroisse de Brescia malgré sa situation à l’écart des capitales. Nos paroissiens étaient peu au fait des tensions entre Moscou et Constantinople et tant que ces Eglises restaient en communion, tout allait bien. Ce sont des orthodoxes nés et baptisés au sein du Patriarcat de Moscou, qui n’imaginent même pas qu’une autre orthodoxie, disons « étrangère », soit possible. Se voyant coupés de la communion avec l’Eglise Russe, une bonne partie d’entre eux (30-40% environ) nous a quittés en 2018 pour rejoindre la paroisse moldave, dont les célébrations se font à 70% en langue roumaine. La plupart d’entre eux ne sont pas revenus, même après notre rattachement au Patriarcat de Moscou en 2019. Notre paroisse a également subi le contre-coup du conflit entre la Russie et l’Ukraine : un autre groupe de paroissiens nous a quittés pour la paroisse gréco-catholique, située à 70 mètres seulement de la nôtre. Ils y ont trouvé la langue ukrainienne, ainsi qu’une position politique et patriotique ferme, ce que nous cherchons à éviter. Enfin, survint la pandémie, avec ses nombreuses restrictions, qui nous a privés de notre meilleur altarnik (servant d’autel) avec sa famille. Cet homme, qui avait servi dans notre paroisse pendant de longues années et qui était candidat au diaconat, nous a quittés, estimant que l’usage de cuillères de bois pour la communion était une trahison de l’Orthodoxie.
En dépit de toutes ces épreuves, nous avons survécu. Les célébrations sont régulières les dimanches et les jours des grandes fêtes. La liturgie dominicale est fréquentée par 20 à 40 personnes en moyenne. Notre paroisse s’accroit et peu à peu s’italianise. Nous avons une marguillière et quelques aides bénévoles, parmi lesquels un Nigérien, arrivé en Italie comme réfugié et devenu un paroissien fervent après être venu par hasard dans notre église. Je l’ai baptisé dans le Lac de Garde. Au sein de notre paroisse, nous avons mis en place un dispositif d’entraide notamment pour la recherche du travail. Grâce au père Lazare et à sa femme, professeur de droit, nous pouvons maintenant fournir aussi une assistance juridique, dont nos paroissiens émigrés, qui ignorent les lois italiennes et sont souvent dupés et exploités par leurs patrons, ont grand besoin. Un docteur italien, membre de la paroisse, assure une assistance médicale. J’ose dire que nous sommes devenus une famille.
C’est ainsi que spontanément nous sommes devenus une communauté multiculturelle : ukrainienne, russe, moldave, italienne, grecque, ce qui ne provoque aucune tension entre les membres. L’Apôtre est lu en trois langues, l’Evangile en deux. Les lectures sont toujours suivies de deux sermons, l’un en russe, l’autre en italien. L’école dominicale pour les enfants est assurée avec succès en italien par le père Lazare, mais elle a dû s’interrompre à cause de la pandémie. Nous avons à l’ordre du jour le développement du site internet trilingue de la paroisse qui fonctionne déjà, mais d’une manière encore limitée, ainsi que l’organisation de pèlerinages. Nous n’en avons pu faire qu’un seul jusqu’à présent auprès du Saint Suaire de Turin il y a quelques années.