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Paroisses de Rome
Les paroisses russes de Rome diffèrent de la plupart des autres communautés russes à l’étranger par le fait que l’histoire d’une petite colonie russe locale a commencé dans la première moitié du XIX siècle lorsqu’elle a été habitée par des célébrités telles que Gogol, l’artiste Ivanov ou l’artiste Karl Brioullov dont l’iconostase est toujours la décoration la plus importante de l’église Saint-Nicolas sur la Via Palestro. Pendant la première Guerre Mondiale et la Révolution, de nombreux paroissiens, dont la vie était liée à l’histoire de la vie orthodoxe à Rome au cours du 20ème siècle, étaient déjà soit installés là-bas, soit y résidaient temporairement pour diverses raisons, comme le fils d’un ambassadeur russe, né loin de son pays natal, M. Miasoyedov, qui a servi pendant de nombreuses années en tant que starosta de la paroisse russe jusqu’à la fin de sa vie à la fin des années 1980. D’autres vivaient dans d’autres villes d’Italie et ont déménagé par la suite à Rome et ses environs, ou bien venaient à Rome pour les offices. En Italie se retrouvaient des personnes qui avaient fui les horreurs de la guerre civile dans l’ancien Empire russe, ils étaient extrêmement moins nombreux que dans d’autres villes européennes, car la « Ville Eternelle » n’offrait pas d’activités qui puissent attirer les émigrés qui cherchaient du travail.
La paroisse a vécu tranquillement et relativement confortablement grâce au soutien des donatrices célèbres comme la reine d’Italie (née princesse Monténégrine), la princesse S.N. Bariatinsky ou la princesse M.A. Chernyshev qui, en 1920 a donné à la paroisse sa propriété située 71 Via Palestro, où se trouvent encore dans la grande salle l’église Saint-Nicolas le Thaumaturge, un appartement confortable pour le recteur, plusieurs appartements (qui pouvaient rapporter un revenu), un grand sous-sol et plusieurs garages.
Après la révolution, la communauté des paroissiens vivait dans ce confortable nid russe dans la juridiction de l’Eglise Orthodoxe Russe Hors-Frontières et sous la direction d’un clergé local stable. De 1916 à 1969 le recteur était l’Archimandrite Syméon ( Sergueï Grigorievitch Narbekov dans le monde), de 1969 à 1984 l’archiprêtre Victor Ilienko. Les paroissiens russes ont été rejoints par des Serbes, des Bulgares ainsi que des paroissiens et visiteurs d’origine slave. Mais cette vie paroissiale était sérieusement menacée : le petit nombre d’orthodoxes en Italie ne permettait pas aux jeunes paroissiens de fréquenter des cercles assez importants de jeunes orthodoxes (comme à Paris, Berlin ou Bruxelles) pour avoir un choix assez large de futur mari ou femme parmi les orthodoxes. Les jeunes nés en Italie au XX siècle devaient épouser des catholiques locaux. Jusqu’aux années 1970, il fallait une volonté surhumaine pour que le parent catholique accepte de faire baptiser l’enfant dans la foi orthodoxe et braver toutes les normes sociales, sous la menace de l’excommunication de l’Eglise catholique et le risque d’être rejeté par les autres membres de la famille et de la société. À cause de de cela il n’y avait pas de renouvellement de générations. Au milieu des années 80, le service dominical ne rassemblait pas plus de 10 paroissiens d’origine russe ou slave et plusieurs dizaines de nouveaux réfugiés de l’Éthiopie communiste (qui ont commencé à être admis dans l’église russe, car l’Eglise grecque ne les admettait qu’à contrecœur).
Dans ce milieu des années 1980, il y a eu une crise, qui a presque ruiné la paroisse et l’Archevêché l’a sauvée. En 1984, le père Victor Ilenko a été remplacé par un jeune prêtre américain qui a commencé à « mettre de l’ordre », a dilapidé une quantité extraordinaire de fonds paroissiaux pour l’amélioration de l’appartement du recteur et a ensuite été impliqué dans les scandales dont a souffert l’Eglise Russe Hors-Frontières à un niveau international. Cela provoqua la rupture de la majorité des paroissiens avec l’Eglise Hors-Frontières et leur décision de rejoindre le Patriarcat de Constantinople. Par la suite, la paroisse de Saint-Nicolas-le-Thaumaturge a été sous l’omophore de l’évêque Georges (Wagner), archevêque des Églises orthodoxes russes en Europe occidentale.
Pour stabiliser la vie de la paroisse, Monseigneur Georges a envoyé à Rome le père Nikolai Cernokrak qui a commencé ce travail difficile, et ensuite père Michel Ossorguine, tous les deux de la paroisse de St-Séraphin-de-Sarov et de la Protection de la Vierge, située rue Lecourbe dans le XVe arrondissement de Paris. Quelques mois plus tard, le père Michel est resté vivre à Rome et y a été nommé plus tard recteur (le père Nicolas l’a remplacé en tant que recteur à l’église St-Séraphin de Paris).
Malgré le fait qu’il ait dû s’absenter deux semaines par mois pour desservir des paroisses en France, la paroisse Saint-Nicolas à Rome n’a pas seulement été régénérée, mais aussi métamorphosée par le père Michel grâce à sa direction énergique - et littéralement martiale - , soutenu par un petit cercle de paroissiens fidèles et actifs. Le père Michel a très souvent rendu visite à presque tous les paroissiens inscrits dans les listes de la paroisse, y compris ceux qui le considéraient avec méfiance ou hostilité (par exemple, la minorité qui ne pouvait pas pardonner le passage à l’Archevêché) ; le père Michel a apporté un soutien moral aux paroissiens les plus actifs, en essayant de convaincre ceux qui s’étaient depuis longtemps éloignés de la vie de l’église de venir aux offices plus souvent sinon régulièrement. Parmi ceux qui étaient dans le besoin, le père Michel a aidé un jeune homme à obtenir un emploi à la paroisse et il a commencé à aider à toutes les affaires intérieures de la paroisse. Grâce à ses visites chez les paroissiens vivant un peu partout dans la région de Rome et fréquentant peu la paroisse, le père Michel a trouvé une place vacante intéressante de professeur pour faire venir de France un jeune sacristain qui a commencé à aider au travail pastoral (surtout pendant les deux semaines d’absence du recteur), pour attirer les jeunes, pour attirer de nouveaux chanteurs et pour aider la chef de chœur à recréer une chorale. Ayant trouvé aux débuts de son service à Rome un seul adolescent qui venait régulièrement aux offices (l’acolyte Vsevolod Borzakovsky), le père Michel a commencé à le former au service de l’autel. Quelques années plus tard, cet enfant de chœur est devenu diacre, quant à sa jeune femme, qu’il a rencontrée parmi les nouveaux paroissiens, elle est devenue très active dans le chœur ( la mère du père Vsevolod était la célèbre chanteuse italienne Gabriella Ferri ; les enfants du père diacre Vsevolod et de sa femme sont devenus des musiciens exceptionnels).
X.B. chanté pendant le confinement par la chorale de la paroisse de Rome
Mais surtout le père Michel a commencé un véritable travail missionnaire parmi la population (plusieurs milliers) des immigrants de la « troisième vague » venant de l’URSS et d’autres pays du bloc communiste. Beaucoup d’entre eux étaient orthodoxes, citoyens de l’URSS, Bulgares, Roumains et Polonais de l’Est. Ayant reçu un visa de sortie, ces émigrants, en vertu d’accords internationaux, ont atterri à Vienne où ils avaient le droit de refuser l’asile en Israël (la seule direction où, dans les années 1970 et 1980, les autorités soviétiques autorisaient le départ définitif) et de demander l’asile dans les pays d’Amérique et ou de l’Europe occidentale. Pour attendre une réponse des autorités de ces pays, selon les mêmes accords internationaux, ils devaient partir à Rome, où les autorités italiennes les plaçaient dans des chambres et des appartements spécialement désignés dans des villes de cure comme Ladispoli et Santa Marinella à proximité de la capitale. Habituellement, ils n’attendaient pas plus d’un an et recevaient tous un visa. En 1990, l’Union soviétique a complètement ouvert ses frontières à ceux qui souhaitaient partir et ce fut un véritable afflux d’immigrants. Mais bientôt leur situation est devenue tragique : en lisant que sous le régime de la perestroïka, il n’y avait plus de menace pour les droits de l’homme, les États occidentaux ont commencé à refuser systématiquement l’asile et en même temps, l’ambassade soviétique interdisait l’entrée de ceux qui désiraient revenir en URSS sur le principe que celui qui a demandé le départ définitif du pays a renoncé à la citoyenneté soviétique et à sa nation. Bien que le père Michel ne leur eût pas rendu visite à Ladispoli et Santa Marinella, il a attiré à l’église des dizaines de ces immigrants, la paroisse a grandi. Selon ses propres mots, « la paroisse a été construite sur des pâtes », c’est-à-dire qu’à la fin de chaque office, le père Michel a systématiquement invité dans son appartement pour le thé ou pour le déjeuner toutes les nouvelles personnes fréquentant la paroisse pour toutes sortes de raisons - les fidèles croyants ayant besoin d’offices religieux, les personnes non religieuses, mais se sentant nostalgiques du pays natal, des personnes plus ou moins croyantes dans le besoin, les familles pauvres ou les réfugiés illégaux implorant une aide matérielle ou simplement des conseils, les étudiants dans les universités romaines, les touristes, les voyageurs d’affaires ou simplement les personnes entrées par curiosité. Lors de ces dîners, souvent des heures après le dessert, le père Michel s’entretenait avec tous. Il a enterré leurs proches, a marié et baptisé (il y avait des cas où les adultes ont trouvé la foi et ont demandé des baptêmes pour eux-mêmes et pour la famille). Bien que la majorité d’entre eux disparaissait sans remerciements et ne donnait plus de nouvelles, une bonne dizaine de familles sont devenues des paroissiens réguliers. Certains ont même exprimé le désir de rester à Rome après de multiples tentatives et de demandes de visas pour l’Amérique. La vie d’Église était déjà devenue le centre de leur vie de famille.
Malgré ses efforts étonnants (qui lui ont coûté deux crises cardiaques), le père Michel a dû affronter pendant des années une agressivité surprenante (dans le style Italie du Sud) de la part de deux ou trois manipulateurs - les mêmes qui avaient participé à la déstabilisation de la paroisse dans les années 1980 avec l’espoir de reprendre les finances de l’administration et la splendide propriété. Ils étaient liés à un réseau de corruption lancé par un évêque grec local de haut rang (plus tard archevêque de toutes les paroisses grecques en Amérique, il a été remplacé d’urgence par l’administration de l’Église de Constantinople lorsque quelques semaines seulement après son arrivée, les journaux et magazines américains ont rapporté que des foules de paroissiens avaient signé des plaintes, demandant son renvoi). Malheureusement, ce harcèlement et cette intrigue (qui ont abouti à des menaces de mort) ont empoisonné les relations du père Michel avec Constantinople à un point tel qu’il a, malgré la persuasion et les appels à la patience de l’archevêque Serge (Konovaloff) a réussi à persuader la majorité des paroissiens de quitter l’Archevêché et d’entrer sous l’omophore du Patriarcat de Moscou, des années avant que l’Archevêché avec Monseigneur Jean (Renneteau) ne se réunifie avec le Patriarcat de Moscou.
Malgré les liens étroits avec le père Michel qui ont duré jusqu’à sa mort, un petit groupe des paroissiens les plus actifs (y compris le diacre Vsevolod Borzakovsky,) qui n’avaient pas voté pour le passage sous la juridiction de Moscou, ont décidé de rester fidèles à l’Archevêché et ont créé une nouvelle église St-Nicolas-le-Thaumaturge. Le dynamisme de la paroisse reflète au mieux la vie paroissiale de Saint-Nicolas de la via Palestro.
Maintenant que l’Archevêché lui-même est sous la juridiction du Patriarcat de Moscou et bien que l’ancienne paroisse soit sous l’administration directe du Patriarcat de Moscou, on peut considérer que les deux paroisses ont trouvé une voie commune.